santé, soins |
05/05/2008
Cliniques, pharmacies, laboratoires d'analyse, les financiers français et européens voudraient investir dans le système de santé français. Un bon placement dans un secteur appelé à se développer toujours plus et qui ne devrait pas connaître de crise. La Commission européenne leur donne raison contre les féodalités du système libéral français. Mais y trouverons-nous notre intérêt ?
C'est un paradoxe franco-français, la loi protégeant les professions libérales de... l'économie libérale.
La loi française commune à toutes les professions libérales a notamment créé en 1990 les SEL (sociétés d'exercice libéral), Les sociétés de professionnels libéraux (sociétés d'exercice libéral) doivent aujourd'hui être possédées en majorité (75 à 100 %) par ces professionnels, afin de préserver leur indépendance. Il s'agit de pharmaciens, médecins, masseurs-kinésithérapeutes, sages-femmes et dentistes essentiellement.
Saisie d’une plainte par un groupe financier, la Commission européenne a adressé au Gouvernement français une mise en demeure en avril 2006, puis un avis motivé en décembre 2006 sur l’incompatibilité de la loi de décembre 1990 avec la liberté d’établissement prévue à l’article 43 du Traité CE.
Une nouvelle plainte a été déposée, en octobre 2007 par le même groupe financier, à la Commission européenne contre l’Ordre des pharmaciens et l’État français pour violation du droit communautaire de la concurrence dans le domaine de la biologie.
A noter que ce débat rejoint la polémique lancée par Michel-Edouard Leclerc qui demande également à ouvrir ses propres pharmacies.
A une époque où l'on cherche à faire baisser les prix par la concurrence, pourquoi ne pas s'attaquer aux marges somme toute encore très confortables de certains professionnels de santé libéraux ? Peut-on envisager des chaînes de "hard-discount" de pharmacie ou de soins dentaires ?
Les professionnels de la santé libéraux considèrent, eux, qu'ils sont dépositaires de l’intérêt prioritaire du patient, grâce à leur indépendance. Une question de vocation, de culture professionnelle mais aussi d'obligation juridique. Ce ne serait peut-être pas le cas d'éventuels investisseurs.
Les libéraux estiment en effet qu'il y a un danger évident pour l'éthique de la santé si le détenteur du pouvoir au sein d'une structure de soins a pour objectif premier de maximiser les distributions de dividendes et s'il dispose des moyens pratiques d'imposer cette orientation.
C'est devenu couramment le cas aujourd'hui dans d'autres secteurs de l'économie. Or, c'est bien ce qu'on commence à observer dans certains établissements de santé en France. Les témoignages recueillis par la Commission Larcher dans le domaine hospitalier privé ont confirmé les pressions que peuvent subir les praticiens pour conformer leurs actes aux objectifs qui leur sont désormais assignés par certains nouveaux propriétaires appartenant à l'univers financier (pour télécharger le Rapport Larcher sur les missions de l'hôpital).
Enfin, et puisque nous venons d'aborder le problème des zones rurales ou des quartiers mal desservis par les pharmacies, il s'y ajoute le risque de regroupements monopolistiques et celui d'installations réduites aux seuls lieux les plus rentables, au détriment des zones moins favorisées.
Les Conseils nationaux des Ordres des médecins, des pharmaciens, des chirurgiens-dentistes, des masseurs-kinésithérapeutes et des sages-femmes dénoncent de tels projets, qui comportent d'après eux, des dangers pour la santé publique: