santé, soins |
Marisol Touraine
(doc. Yalta Production)
19/05/2015
C'est comme un aveu du gouvernement, en tout cas un coup de scie important dans le découpage par appartement de la Sécurité Sociale : toutes les entreprises devront proposer à leurs salariés une complémentaire santé en 2016. Même si ce n'est pas dit fort, la privatisation de la Santé publique n'est plus un tabou.
Mutuelle complémentaire santé d'entreprise, complémentaire individuelle, surcomplémentaire... mais où en est-on ?
C'est une ordonnance d'octobre 1945 qui créé notre actuelle Sécurité Sociale.
Simple, chaque salarié cotisera pour le pot commun et en échange, chaque assuré sera soigné, quel qu'en soit le coût. A l'époque bénie du plein emploi, pratiquement chaque chef de famille (le mâle dominant) a un travail. Epouse et enfants bénéficient de la même couverture bienveillante.
Tout se gâte aujourd'hui, avec plus de 7 millions de sans-emploi, des foyers monoparentaux, des contrats à la petite semaine et l'explosion du nombre de travailleurs indépendants, la belle machine est depuis longtemps un canard boiteux.
Au total, près de 9 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté et renoncent souvent à se faire soigner correctement.
L'insoupçonnable Inserm évalue entre 10 et 20 000 le nombre de personnes que le chômage tue désormais chaque année, une bonne partie faute de soins suivis.
Nous sommes bien entré dans un système de santé à 2 vitesses.
Le coût de la santé augmente jusqu'à dépasser les 450 milliards d'euros, soit plus que le budget de l'Etat. La faute aux traitements, de plus en plus sophistiqués, et donc de plus en plus coûteux, la faute au vieillissement de la population et surtout aux cotisations qui rentrent de moins en moins bien dans les caisses de l'Assurance Maladie.
Alors d'année en année chaque gouvernement rabote les remboursements grâce à des systèmes qui témoignent de la créativité des technocrates qui les inventent :
Ainsi, pour une consultation chez le médecin traitant de 23 euros, l’Assurance Maladie rembourse 70% moins la participation forfaitaire de 1 euro par consultation, soit 15,10 euros.
Le ticket modérateur de 6,90 euros reste à votre charge si vous n’avez pas de complémentaire santé. La franchise médicale n'est pas remboursable par les complémentaires santé.
En cas d'hospitalisation pour une opération chirurgicale, les frais sont pris en charge par l’Assurance maladie à 100%, moins le forfait journalier de 16 euros.
Jusqu'alors, la mutuelle santé dont bénéficiaient ceux qui avaient la chance de travailler dans de grandes entreprises permettait de financer principalement les frais dentaires et de lunette, traditionnellement très mal remboursés. Les autres étaient plus ou moins condamnés à porter des "cul de bouteille" et des dentiers mal ajustés. Même chose à l'hôpital qui réservait ses chambres individuelles à ceux dont la mutuelle payait le prix fort.
Désormais, il est préférable d'avoir une bonne mutuelle... ou de ne pas être malade
Suivant le contrat, la mutuelle prendra en charge, en partie ou en totalité, les frais hospitaliers restant à charge, les médicaments non remboursés, les frais dentaires, d'optique, de soins à domicile... des sommes susceptibles de monter rapidement en cas de coup dûr.
Constatant officiellement que l'Assurance Maladie ne suffit plus, les pouvoirs publics ont inventé la CMUC (CMU Complémentaire) qui joue pratiquement le même rôle qu'une complémentaire santé privée classique.
La CMUC est une complémentaire santé gratuite attribuée pour un an (demande est à renouveler chaque année).
Elle prend en charge :
Pour bénéficier de la CMUC, il faut justifier de revenus annuels inférieurs à certains plafonds, par exemple :
Pour les revenus légèrement supérieurs à ces plafonds (+35%), il existe également l'ACS (aide pour une complémentaire santé), qui correspond à une participation financière au règlement d'une mutuelle santé personnelle.
La loi, qui reprend l'Accord National Interprofessionnel (ANI) établi entre les syndicats et les organisations patronales, devra être appliquée d'ici au 1e janvier 2016, au plus tard. Elle prévoit que les entreprises ne disposant pas encore d'une mutuelle santé collective devront adopter une couverture santé minimale pour leurs salariés. Cela concerne environ 4 millions de salariés.
Les cotisations seront prises en charge à 50 % par l'employeur. Il s'agira dans certains cas d'une complémentaire dite basique.
Lorsque la complémentaire santé de l'entreprise n'est pas jugée suffisante par le salarié, il peut souscrire une surcomplémentaire dont les remboursements viendront compléter ceux de la première mutuelle. Une disposition qui n'est pas inutile, toutes les entreprises ne choisissant pas forcément un contrat "premium", ce sera vraisemblablement le cas pour les TPE qui découvrent cette nouvelle charge en faisant une nouvelle fois la grimace.
Dans le cas où un salarié possède déjà une complémentaire individuelle, il pourra soit la résilier, soit demander à son assureur de la faire passer en surcomplémentaire afin d'obtenir une couverture santé satisfaisante (attention aux conditions et au délai).