Accidents à l'hôpital : les conditions de la catastrophe sont-elles réunies ?

06/01/2009

Les jumelles des médias sont désormais braquées sur l'hôpital à l'affût du moindre incident. Au-delà de cet emballement médiatique, il faut bien constater que le problème est réel et a été annoncé depuis longtemps.
Les responsables de la sécurité connaissent bien ces 2 principes :
- un accident grave est généralement le résultat de plusieurs incidents plus ou moins mineurs qui surviennent en même temps,
- une situation dégradée (pour différentes raisons) est le terreau idéal d'un accident grave.

De multiples dysfonctionnements

Dans le cas de le mort du petit Ilyes, suite à une erreur de produit, plusieurs causes classiques se sont tragiquement associées :

• une infirmière doit obligatoirement vérifier la nature et le dosage d'un produit avant de l'injecter. Or, elle ne l'a pas fait, par étourderie, fatigue due aux fêtes et au surcroît d'activité des urgences, stress sous la pression de parents énervés (de plus en plus courant),
• depuis plusieurs années, plusieurs rapports officiels ont signalé le risque de confusion sur ce type de produits injectables, différenciés uniquement par le libellé de l'étiquette. Un système de code couleur devrait être mis en place peu à peu.
• la présence anormale du produit dans le service, probablement résultant d'une erreur de livraison.
  

...petites causes (connues), grands effets.
A Bullion (Yvelines), la mort du petit Louis-Joseph d'un surdosage s'apparente au même enchaînement de faits tragiques.

La situation dégradée de l'hôpital

Dans les services hospitaliers, les médecins enchaînent sans dormir services normaux et gardes. Les infirmières malades ou en congés ne sont pas remplacées. Les équipes soignantes sont fréquemment confrontées à des malades agressifs, parfois violents. Difficile dans ces conditions que le cerveau fonctionne à 100%.
Et la situation dégradée de l'hôpital ne s'explique pas seulement par les restrictions budgétaires. Celles-ci n'ont fait que porter le coup de grâce à une organisation aux effectifs désorganisés depuis des décennies. A ce sujet, la responsabilité des politiques est immense, imprévision, ignorance ou laisser-aller, la gestion humaine de la santé va à vau-l'eau depuis longtemps, alors que les besoins comme l'évolution des effectifs de personnel sont très faciles à prévoir sur le long terme.
Citons le durcissement des équivalence de diplômes sous Laurent Fabius, la misère des écoles de cadres (surveillantes ou formatrices), le rallongement de 2 à 3 ans des études d'infirmières, le numerus clausus (nombre d'étudiant admis en médecine), et bien sûr, catastrophe finale, les 35 heures.

La logique comptable

La logique comptable qui impose à chaque établissement d'être rentable et d'offrir de bons soins au meilleur prix est une bonne chose. Chaque acte est tarifé par l'Assurance maladie que l'on n'accusera pas d'incompétences en la matière. Cependant ce système à des effets pervers.
Ces tarifs, fixés à un moment donné, incitent les établissements, particulièrement les établissements privés, à se consacrer en priorité aux soins les plus rentables. Certains actes, par exemple, sont mal remboursés, parce que mal évalués, ou parce que les coûts de traitement ont explosé depuis leur évaluation. Et la pression budgétaire actuelle n'incite évidemment pas aux largesses.
Résultat, des lits fermés, des services fermés, certains actes renvoyés à d'autres établissements.

La danse des ambulances

Le phénomène n'est pas nouveau, il date de plusieurs années. Un malade pris en charge en urgence dans une ambulance des pompiers ou du SAMU peut errer plusieurs heures avant d'être accepté dans un établissement.
Dans l'ambulance, qui dispose de matériel de réanimation et de personnels médicaux formés, il ne risque en théorie pas grand-chose. Lui non, mais une ambulance n'est pas un logement provisoire, son usage est d'aller chercher d'autres patients, qui eux risquent d'attendre un peu trop longtemps l'arrivée des secours. Et le phénomène se répète.